Iels font quoi vos chat·te·s dans ce nouveau spectacle ?

Dix chat·te·s vivent paisiblement à l’abri du monde extérieur et sont occupé·e·s à faire le point sur l’espèce humaine: climat, économie, technologie, politique, prospective… les opinions sont variées, les désaccords profonds, et pourtant il faut bien essayer de vivre ensemble. Afin que même le plus petit chaton puisse contribuer à un futur désirable, iels vont chanter et danser leurs peurs, leurs doutes et leurs espoirs. 

Qui sont vos chat·te·s, ces êtres ni morts ni vivants, presque déshumanisés à la Schrödinger ?

Sacralisé·e·s dans l’Égypte ancienne ou bien jeté·e·s au feu avec les sorcières pendant des siècles, devenu·e·s aujourd’hui les icônes kawaï et lol des réseaux sociaux et des childless cat ladies, les chat·te·s comme les humains n’ont pas choisi leur famille. Les nôtres n’ont pas choisi “Maman”, la personne qui les élève et qui ne laisse pas indifférent: certain·e·s la chérissent, d’autres la détestent, mais personne ne songe à fuguer, tant la nourriture est bonne et la moquette confortable. 

Pourquoi être allé vers  Cats,  A Chorus Line et Les Misérables ? D’ailleurs, avec Showgirl, vous puisiez déjà dans le répertoire américain. Qu’est-ce qui vous stimule dans ce répertoire ? 

Nous nous sommes inspiré·e·s de ces 3 comédies musicales iconiques de la fin des années 70, début des années 80, issues de l’industrie de l’entertainment made in USA. Nous sommes né·e·s dans ces années-là, et c’est aussi l’époque du krach boursier, de la fragilisation de l’économie mondiale à travers la crise pétrolière.

Quels thèmes communs regroupent ces œuvres, qui appartiennent à une période très précise (1975-1985) ?

 Une certaine anxiété face à l’avenir, avec la question centrale : que va-t-on devenir? Cats est encore un triomphe total, c’est la comédie musicale la plus jouée dans le monde à ce jour ; des théâtres sont construits uniquement pour accueillir ce spectacle, à Tokyo par exemple. C’est un succès presque inattendu ; à l’origine, personne ne misait sur une adaptation de poèmes de T.S. Eliot, avec un scénario aussi simple (des chats se réunissent dans une décharge afin d’élire celui d’entre eux qui aura droit à une vie supplémentaire).

Et Chorus Line ? Les Misérables ?

Chorus Line, un autre gros hit, est une des premières expériences d’écriture de plateau, où le texte fut écrit à partir d’entretiens avec les interprètes. Il s’agit également d’une comédie musicale jouée sur un plateau quasiment nu, sans décor. Une histoire de jeunesse et de danse. Enfin, Les Misérables (dont une reprise à Paris a encore lieu cet hiver) nous plait dans sa version américaine (le film, notamment), mais c’est surtout le grand roman social et humaniste de Victor Hugo qui nous intéresse, son récit de la lutte des classes. 

Vos créations ont une forte tradition de fables animalières et Les chats s'inscrivent dans cette continuité. Comment votre métaphore féline dialogue-t-elle avec les préoccupations modernes ?

Avec des générations d’interprètes qui se croisent, de la X à la Z, celle née dans la "litière", nous abordons l’anthropocène et le climatoscepticisme, la montée de l’extrême droite et l’idée de la catastrophe, la résignation, l’accommodation, la satisfaction ou la rébellion. Les chats (ou Ceux qui frappent et ceux qui sont frappés) est un projet résolument "trans-formes", à cheval entre théâtre, danse et chant, mais aussi entre anthropologie et zoomorphisme, entre ballet modern jazz, comédie musicale et danse minimaliste, entre allers-retours à la litière, jeux, toilettes et repos.